FAQ – Modification de la loi sur le cinéma (Lex Netflix)
Sur le tournage de HORS SAISON de Pierre Monnard
(Akka Films, RTS, Gaumont, France Télévisions) © Steeve Iuncker
La « Lex Netflix », c’est quoi ?
La Lex Netflix fait référence à la modification de la Loi sur le cinéma proposée par le Conseil Fédéral et validée par le parlement en septembre dernier. Elle demande aux plateformes de streaming et entreprises qui diffusent du contenu audiovisuel en ligne (films ou séries) de réinvestir 4% de leurs recettes brutes réalisées en Suisse dans la production nationale. Cette modification inclut également l’obligation de proposer 30% de films et séries européen·ne·s, comme c’est déjà le cas dans la plupart des pays d’Europe1.
Quelles plateformes sont visées par le projet de loi ?
Toutes les plateformes qui diffusent du contenu audiovisuel en ligne et qui réalisent du profit en Suisse, qu’elles soient basées à l’étranger ou chez nous. Seules les entreprises avec un chiffre d’affaires annuel minimal de 2,5 millions sont concernées2.
À qui va profiter la modification de la Loi sur le cinéma ?
Elle profitera au tissu économique Suisse dans son ensemble. En premier lieu, elle renforce la branche audiovisuelle en offrant la possibilité de financer des projets plus ambitieux qui créeront de nombreux emplois (réalisateur·trice·s, métiers techniques, comédien·ne·s). La multiplication des tournages en Suisse bénéficiera également aux entreprises locales (hôtellerie, restauration, etc). Pour le public, cela signifie une augmentation de l’offre avec des projets plus ambitieux tournés chez nous.
Pourquoi 4% ?
Le montant de 4% proposé par le Conseil Fédéral correspond au montant déjà fixé en Suisse pour les chaînes de télévision suisses1 qui investissent une partie de leur recettes dans la production helvétique. La modification de la Loi sur le cinéma souhaite harmoniser cette obligation en incluant les plateformes de streaming qui prennent toujours plus d’importance dans notre quotidien. On estime que cet élargissement de l’obligation d’investissement aux plateformes générera environ 18 millions par an pour le secteur2.
Que se passe-t-il si les plateformes ne remplissent pas les objectifs de réinvestissement ?
Les entreprises ont quatre ans pour remplir l’objectif fixé par la loi. Si l’incitation à investir n’est pas saisie par les plateformes dans le délai imparti, leur contribution sera alors prélevée sous forme de taxe de remplacement.
Cette incitation à investir existe-t-elle dans d’autres pays ?
Oui, la plupart des pays européens ont déjà des systèmes similaires en place. L’Italie demande par exemple une obligation d’investir de 20%, l’Espagne de 5% et la France 25%5. Ces obligations sont en outre complétées parfois par des taxes ou la possibilité pour les diffuseurs de choisir entre l’obligation d’investissement et la taxe. Dans le contexte européen, les 4% proposés par le Conseil Fédéral s’alignent donc sur les pratiques des pays voisins tout en laissant une grande marge de manœuvre aux plateformes concernées. Ce mécanisme est indispensable pour le maintien de la compétitivité de la branche cinématographique suisse et son intégration dans le marché audiovisuel européen et mondial.
30% de productions européennes dans les catalogues des plateformes, c’est beaucoup ?
Non, et c’est déjà le cas partout en Europe. L’Union Européenne l’exige sur l’ensemble de son territoire, c’est donc déjà la norme pour la plupart des acteurs internationaux. Soutenir la présence européenne dans les catalogues internationaux permet à la Suisse en retour de défendre sa représentativité hors de ses frontières et c’est l’une des conditions pour la ré-adhésion de la Suisse au programme MEDIA de l’Union Européenne.
Est-ce une nouvelle taxe que les Suisses et Suissesses devront payer ?
Non, c’est une incitation à investir pour les plateformes et diffuseurs de contenu en ligne. Cela signifie que les plateformes vont investir directement dans la production et/ou l’achat d’œuvres suisses (séries et films, tant de fiction que documentaires) en passant par des contrats avec les producteurs et les cinéastes. Le·la consommateur·trice n’est aucunement concerné par cette réforme du point de vue de son financement.
Est-ce que le prix de l’abonnement à ma plateforme préférée va augmenter ?
Non, il n’y a pas de lien entre l’obligation d’investir et le prix des abonnements fixé par les plateformes. Le prix de votre abonnement est basé sur l’offre et la demande, et donc ce que vous êtes prêt·e·s à payer pour ce service. Dans le cas de Netflix, la multinationale n’a pas attendu l’instauration de la nouvelle Loi sur le Cinéma pour augmenter ses prix à deux reprises (en 2019 et 2021)6. Le public helvétique paie déjà l’abonnement le plus cher au monde sur la plateforme, et cela sans obligation d’investir ! Par ailleurs, l’instauration de cette incitation d’investissement n’a pas entraîné d’augmentation des prix dans les pays voisins qui appliquent déjà ce mécanisme, y compris la France où le taux est le plus élevé d’Europe.
Pourquoi faut-il plus soutenir l’audiovisuel helvétique ?
L’audiovisuel est une industrie importante pour la Suisse. Notre pays compte un nombre important d’auteur·e·s, de cinéastes, de technicien·ne·s, etc. Nous formons également, grâce à nos prestigieuses hautes écoles, la génération de demain. Il semble essentiel de renforcer et diversifier nos capacités à produire dans un environnement en grande mutation tant dans les usages du public qu’au niveau technologique. Par ailleurs, l’industrie audiovisuelle est un véritable moteur pour l’économie locale et la collectivité publique. En effet, l’organisation de tournages localement permet de multiples et importantes retombées économiques sur de nombreux secteurs (hôtellerie, restauration, sociétés de location de matériel, etc). Selon une étude effectuée par le cabinet d’audit Ernst & Young en 2019 pour le compte de la Fondation romande pour le cinéma, 1 CHF investit par Cinéforom dans la production audiovisuelle génère 3 CHF au niveau local7. C’est donc un investissement rentable tant pour la branche de l’audiovisuel que pour notre économie dans son ensemble.
Qui soutient la modification de la Loi sur le cinéma ?
Cette modification de la Loi sur le cinéma a été proposée par le Conseil Fédéral dans le cadre du Message Culture 2021-2024 et validée en automne dernier par les deux chambres du Parlement. Elle est par ailleurs plébiscitée par les Départements de l’Economie et de la Culture des collectivités publiques, les organes de soutien de l’audiovisuel suisse, mais aussi les acteurs économiques locaux et la branche de l’audiovisuel.
Sources :
- Message concernant l’encouragement de la culture pour la période de 2021 à 2024 (message culture), Département fédéral de l’intérieur DFI, Office Fédéral de la Culture OFC, 29 mai 2019
- Fiche d’information – Loi sur le cinéma, Département fédéral de l’intérieur DFI, Office Fédéral de la Culture OFC, 1er octobre 2021
- Le Conseil fédéral adopte le Message culture 2021-2024, Département fédéral de l’intérieur DFI, Office Fédéral de la Culture OFC, 26 février 2020
- Facts & Figures : Pacte de l’audiovisuel, SRG SSR, 2020
- Rapport complémentaire à l’intention de la CSEC-N concernant la révision de la Loi sur le Cinéma: Réglementations relatives à l’encouragement du cinéma pour les diffuseurs de programmes de télévision et les fournisseurs de films en ligne : comparaison Suisse / Europe, Département fédéral de l’intérieur DFI, Office fédéral de la culture OFC, 22 juin 2020
- Loi sur le cinéma: Le référendum sur la «Lex Netflix» est en grande difficulté, Florent Quiquerez, Tribune de Genève / 24 Heures, 28.12.21
- Etude économique d’EY : En Suisse romande, l’industrie du cinéma rapport 3.1 fois plus qu’elle ne coûte, Ernst & Young, 21 novembre 2019
- Le financement du cinéma suisse, Association romande de la production audiovisuelle
- Komorowski, M., Iordache, C., Kostovska, I., Tintel, S. & Raats, T. (2021). Obligations for VOD providers to financially contribute to the production of European works, a 2021 update. Brussel: imecSMIT-VUB.